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Pauline Sain

interview

PAULINE SAIN

Magnum Photos

Bonjour Pauline Sain,

Vous êtes directrice du bureau parisien de Magnum Photos, coopérative photographique créée en 1947 par Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Georges Rodger, William Vandivert et David Seymour…

Je suis très heureuse et très fière de vous interviewer et de partager avec vous, le monde de l’industrie de la photo.

 

Grand merci à vous, Pauline, pour ce moment !

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre prise de fonction chez Magnum Photos.

Après une formation en histoire contemporaine et sciences politiques, j’ai travaillé en agences de publicité & communication, d’influence et de relations publiques pendant une quinzaine d’années, principalement dans de grands groupes anglo-saxons.

J’ai rejoint Magnum Photos à Paris, il y a près de 4 ans initialement pour prendre la tête du département corporate. Il s’agit du département de l’agence qui représente les photographes de l’agence pour les projets de commandes ou licencing réalisés en partenariat avec des marques, des institutions ou des agences. Le département a toujours existé mais il s’agissait de renforcer les équipes, accélérer le développement notamment en Europe continentale et intégrer les enjeux de création de brand content à l’ère de l’explosion des social media.

J’ai pris la tête du bureau il y a près de deux ans, en particulier pour renforcer les synergies entre les départements et les bureaux. En effet, de plus en plus, nos clients et partenaires souhaitent développer avec Magnum Photos des projets multi expertises : une commission photographique qui donne lieu à un livre, à une exposition, à un workshop ou qui peut être relayée sur notre écosystème digital et déployée dans plusieurs pays. Nous sommes désormais un partenaire créatif des agences, des entreprises et des marques, en plus d’une agence de photojournalisme et d’une institution culturelle.

Pour mieux répondre à ces demandes, Magnum Photos a ainsi lancé en avril 2019 un site dédié (creative.magnumphotos.com) présentant la vision, les projets et l’offre de l’agence.

De nos jours, la presse est à l’agonie… pouvons-nous encore espérer une place importante de la photographie comme ce fut le cas, aux plus belles heures de Magnum ?

 

La presse écrite est en effet dans une situation difficile et souffre de l’avènement du digital ainsi que d’un rapport différent à l’information mais tout le monde continue à chercher de la visibilité éditoriale et notamment en presse écrite. Les éléments visuels, et en particulier la photographie, sont plus que jamais essentiels à l’illustration et la représentation des événements et de l’actualité.

Et si tout le monde fait des photos, tout le monde n’est pas photographe pour autant. Il reste une vraie place pour les photographes de l’agence, leur regard d’auteur singulier, leur éthique, leur approche.

 

Nos photographes sont des références du photojournalisme et leur signature est reconnue.

Magnum Photos est par ailleurs toujours une agence de presse, avec une équipe interne dédiée à l’éditorial qui gère la production, la post-production, le travail de vérification et de légendage, essentiels à l’heure des craintes de fake news.

Nous partons en revanche plus souvent sur des sujets en mode spéculatif, sans avoir encore confirmé une publication, parce que nous restons une agence où les photographes décident de leurs sujets et défendent leur liberté éditoriale.

Il ne faut par ailleurs pas oublier que les productions d’aujourd’hui sont les archives, voire peut être – l’avenir le dira – les photographies iconiques de demain et que le licensing est une activité importante pour l’agence qui doit être alimenté de nouvelles images. 

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"Il ne s’agit donc pas tant de choisir entre une photo et des milliers, mais de présenter un point de vue singulier, unique et riche de sens pour notre audience."

L’impact de la photographie via les réseaux est important et détermine sa diffusion. Doit-on abreuver la toile de milliers d’images ou uniquement sortir l’image de la semaine pour en faire sa force ?

 

La stratégie éditoriale de l’agence sur notre site magnumphotos.com et sur les réseaux sociaux est pilotée depuis notre bureau de Londres, par une équipe multilingue centralisée, justement pour en assurer la cohérence.

Nous sommes conscients qu’avec des millions d’images téléchargées chaque jour sur Internet, il est plus que jamais nécessaire de ne pas alimenter ce phénomène de saturation tout en enrichissant de manière significative le dialogue autour de la photographie.

Les photographes de l’agence ont documenté la majorité des événements culturels et historiques les plus importants des XXe et XXIe siècles et continuent de le faire aujourd’hui, ce qui confère à Magnum Photos une position unique pour se faire.

Nous nous sommes fixés comme ligne de conduite, de partager ces histoires importantes sur le monde dans lequel nous vivons en sélectionnant soigneusement les images que nous publions en ligne.

Il ne s’agit donc pas tant de choisir entre une photo et des milliers, mais de présenter un point de vue singulier, unique et riche de sens pour notre audience.

Magnum fonctionne-t-il en équipe ou avec des indépendants sollicités à la mission ? N’est-il ouvert qu’aux grands photographes ou les petits ont-ils leur chance ?

Magnum Photos ne représente et ne distribue que les photographes membres de l’agence ou entrés dans le processus d’intégration.

Tout photographe documentaire, riche d’un regard unique, qui souhaite rejoindre l’agence peut soumettre son portfolio à l’Assemblée Générale annuelle et son intégration sera soumise au vote des membres.

Tous les profils et tous les parcours sont les bienvenus, preuve en est la diversité des jeunes nominés retenus à la dernière AG : de Lindokuhle Sobekwa, jeune sud-africain issu des townships, à Sim Chi Yin, photographe Singapourienne ayant débuté sa carrière comme journaliste et correspondante en Chine, en passant par Rafal Milach, qui est également plasticien et travaille en particulier sur la transformation du bloc de l’est.

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"{...} une agence qui vit, change, évolue avec son époque et la vision collective des photographes et du staff."

Pauline Sain, vous sentez-vous gardienne du temple Magnum ? Magnum étant la référence en matière de photographie, est-ce un héritage lourd à porter qui empêche certaine liberté ou au contraire, est-ce une véritable force dans le monde de la photo ?

Sans fausse modestie, je ne suis pas la gardienne du temple Magnum. Les photographes sont les gardiens du temple.

Il ne faut pas oublier que Magnum demeure à ce jour et depuis sa création une coopérative photographique aux mains des photographes créateurs et de ceux qui les ont rejoints au fil des années.

Ce sont eux qui décident de la destinée de leur agence, même s’il y a bien sûr un échange permanent et quotidien sur le projet et la vision entre les équipes de management et les photographes.

Mon rôle est celui du pilotage du bureau de Paris, en charge de servir nos clients éditoriaux, culturels, commerciaux en Europe continentale.

Quant à l’héritage, bien sûr, nous sommes tous conscients des enjeux de celui-ci et du nécessaire respect des valeurs fondatrices de Magnum mais l’agence n’est pas un mausolée figé mais bien une agence qui vit, change, évolue avec son époque et la vision collective des photographes et du staff.

Cette constante adaptation aux besoins de l’époque a conduit :

–       Au lancement des square prints il y a 5 ans… un format de tirage en édition limitée à 100$ pour nous rendre accessible au plus grand monde,

–       Au lancement de notre site Magnumphotos.com il y a 3 ans, véritable plateforme éditoriale en propre,

–       Et au lancement ce mois-ci de notre site creative.magnumphotos.com, vitrine de notre travail commissionné

La photo rentre-t-elle dans une grille tarifaire prédéfinie ou l’aura du photographe entre-t-elle en jeu ?

Pour le licensing, nous suivons autant que possible les barèmes de l’UPP. Pour les projets de commandes, il ne s’agit pas tant de l’aura du photographe que de la destinée et de l’usage prévu des photos.

Que diriez-vous sur les droits d’auteurs…

Il ne faut pas oublier que l’association Magnum a justement été créée pour défendre le droit d’auteur des photographes et garder le contrôle total sur les droits de leurs photos.

Cela demeure une des exigences centrales de l’agence et nous sommes allés jusqu’à refuser des projets dont les garanties sur ce point n’étaient pas satisfaisantes ou les demandes inacceptables.

Magnum Photos est par ailleurs membre du Saphir et de la FFAP et nous sommes alignés avec les actions de nos organismes de représentation collective sur ce point.

Parlez-nous des Trophées Huawei Next-Image 2018. L’idée qu’a eue l’entreprise pour mettre en lumière la photographie moderne en stimulant la créativité se décline autour d’un programme. Lequel ?

Huawei est engagé depuis longtemps dans la promotion de la photographie et le développement de smartphones permettant au plus grand nombre de faire de belles photos.

Ils ont lancé un programme, appelé Huawei NEXT-IMAGE, qui rassemble toutes leurs initiatives en faveur de la photographie, avec notamment un award annuel, une série de Masterclass et désormais des conférences avec Magnum Photos.

L’idée de ce projet était à la fois pour Huawei de montrer la performance et la versatilité de leurs équipements, en les confiant à des photographes professionnels expérimentés et de soutenir ainsi la création. Pour Magnum, il s’agissait d’aller à la rencontre du public en explorant, en créant et en se remettant en question encore et toujours.

Le mot de la fin … ?

 

L’aventure Magnum Photos continue.

L’agence avance entre tradition et évolution mais toujours en défendant la liberté de création de ses auteurs photographes, au service de beaux sujets.

Une excellente illustration en est par exemple, le remarquable travail de Matt Black, photographe américain, intitulé Geography of Poverty. Pour ce projet Matt Black a parcouru près de 50 000 kilomètres à travers 44 États américains, photographiant des « zones de pauvreté », où le taux de pauvreté dépasse 20% de la population.

Une sélection des images de ce projet est présentée à la galerie Magnum à Paris jusque fin juin.

Magnum Photos - Paris, France

19 Rue Hégésippe Moreau 75018

T + 33 1 53 42 50 00 - F + 33 1 53 42 50 01
magnum@magnumphotos.fr
Contact RP Londres : Leonora Chance
leonorachance2_pp5@indeedemail.com

https://www.magnumphotos.com

Interview par : Stéphanie DEVISSCHER

Pour le site : Photophiles.com 

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